28 juillet. - Midi me ramène toujours au plus clair, à une façon d'être qui se contente d'un peu d'eau, de pain et de quelques mots. Une eau qu'on a été chercher sous la pluie, un pain qui a cheminé dans les poches de l'oiseleur, des mots qui ont gardé mémoire de ce qu'ils ont vu. On peut tresser longtemps à partir de ces brins d'herbe, faire un éventail ou un panier, une barque ou un berceau. Midi est une heure imaginaire. Tout devient possible. Car si l'homme a besoin d'outils pour trouver ses mots, il a besoin de crayons de couleur pour peupler les récits de son souffle. Et du petit singe qui est notre regard.
Midi a aussi un visage. je l'ai vu aujourd'hui, c'est un homme coiffé d'un chapeau de feutre. Je mangeais sur une planche d'échafaudage quand il est arrivé. Il m'a salué, m'a souhaité bon appétit.
(...)
Qui est-il celui-là qui porte les vêtements usés de son nom, de ses actes? qui va pieds nus dans de grosses chaussures noires?
Je décide que cet homme sans voix: c'est la mort.
Un mort qui me demande, avant de partir, s'il peut emporter les bouteilles consignées qui traînent par terre.
Le journal d'un manoeuvre, Folio, 1990
Ici je note avec émotion certains mots comme oiseleur, pain, berceau ou encore feutre. Sans oublier le petit singe, celui qu'on a dans le regard et que Sophie Podolski, je crois, imaginait sur son épaule. SD
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