samedi 28 juillet 2012

Trois Poèmes( Messiaen, Bartok, Debussy) de Lucetta Frisa, issus de son dernie rrecueil, L'emozione dell'aria


Abîme des oiseaux

(Olivier Messiaen)

depuis la prison
      on regarde voler les oiseaux –
la pièce
scellée
ne s’ouvre pas
dans une partie de l’esprit
d’autres lois ou aucune
d’autres terres sans eau ni oxygène
parmi les nébuleuses –
est-ce là l’abîme des oiseaux ?
cette nuit
dans le ciel tiède
les étoiles
ressemblent à des mouches engourdies
ou à des oiseaux prêts à chanter
dans une autre cage
On chante dans le lager mais personne ne vole
et ici un voile de notes
nous éloigne de l’horreur et nous
               nos doigts s’ouvriront
pour dessiner l’ombre des ailes
sur les tombes
parce que les oiseaux seuls
                           la voient






For children

(Bela Bartok)

Mon idéal serait de mûrir en allant vers l’enfance.
Bruno Schulz

la chambre dans le noir se colore.
les notes ce sont des ballons ?
chuchotant entre lustre et plafond
ils s’arrêtent au seuil de la maison

la mer recouvre le carrelage
et monte nous caresser le cou
donne-moi la main et entrons
dans l’eau
sans souliers
comme dans un temple

    un matin au marché on avait attaché des ballons à un arbre
   prêts à s’envoler au plus haut
   il en demanda un mais impossible de le détacher
   enfin en voilà un entre ses mains, rouge :
   il se dégonfla tout de suite.

donne-moi le couteau
tout va à blessure et morsure
        c’est comme ça qu’on grandit


  il pose doucement le doigt sur une touche du pianoforte et l’univers explose
- il était bouffi et invisible ? Abracadabra abracadabra
  gorge oreilles yeux touchés s’ouvrent tout grands

abracadabra
si tu pouvais
répéter ce son
et la stupeur

mais ce soir
jouons à la balle sur les vagues
dans cette chambre sur la mer
                     volons au plus haut

si tu pouvais
poser encore ton doigt sur le clavier
répéter ce son et la stupeur

abracadabra
abracadabra
donne-moi l’aiguille
donne-moi le fil et les ciseaux
je veux coudre
recoudre
              découdre le monde







La mer

(Claude Debussy)

Les rencontres humaines se font au plus haut a dit Lucrèce
tout s’engendre entre les masses puissantes des nuages
faim et désir origine et fin des histoires et des étoiles.
La tramontane sur l’eau est frémissement mais sur la peau
c’est une ride, je le dis, et toi sur ton miniclavier tu simules
la colère marine en cette nuit encore estivale mais pardon
si moi je pense seulement à la noire tramontane :
jamais mettre à la mer disent les pêcheurs les barques
chavirent les poissons vont au fond le brouillard s’épaissit
les pieds perdent leur chemin aucun vieux marin ne revient
pour raconter on ne réussit plus à s’endormir entre
les couvertures même les rêves s’enfuient et le chien
vieillit d’un coup.
Est-ce bien la tramontane noire, ce vent enfermé chez nous ?
Comme tu es fort – dis-je - et je t’applaudis bravo bravo



Traduction Sylvie Durbec, L'emozione dell'aria, CFR edizioni, 2012

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