Le voyage lui-même évoqué plusieurs fois est à la fois découverte, perte de repères et recherche de l'invisibilité :
"J'ai beaucoup rêvé d'arriver seul dans une ville étrangère, seul et dénué de tout. J'aurais vécu humblement, misérablement même. Il m'a toujours semblé que parler de moi-même, me montrer pour ce que j'étais, agir en mon nom, c'était précisément trahir quelque chose de moi, et le plus précieux."(in Les îles Kerguelen)
Entre le je que Grenier se résigne à employer et le il du romancier auquel il ne croit pas plus, il nous donne à voir et à sentir un parcours intérieur ("susciter ce chant intérieur faute duquel rien de ce qu'on ressent ne vaut") qui le conduit vers des pays étrangers où la nécessité du déplacement est posée:
"On passe des jours à Barcelone à visiter des églises, des jardin, une exposition, et il ne vous reste de tout cela que le parfum des fleurs opulentes de la Rambla San José. Etait-ce donc bien la peine de se déranger? Evidemment oui."
Et plus loin, à la toute fin, il écrit encore:
"A quoi bon voyager? Les montagnes succèdent aux montagnes, les plaines aux plaines et les déserts aux déserts. Je n'en aurai jamais fini et ne trouverai jamais ma Dulcinée. Refermons donc, comme dit l'autre, un long espoir dans un bref espace. Puisqu'il m'est impossible de vivre le long des rocailles et des balustrades du Lac Majeur, que je fasse en sorte de leur trouver de glorieux substituts!
Quoi donc? Eh bien, il me semble que partout où ils se trouveront, le soleil, la mer et les fleurs seront pour moi les îles Borromées; qu'un mur de pierres sèches, défense si fragile et si humaine suffira toujours pour m'isoler, et deux cyprès au seuil d'un mas pour m'accueillir..."
Jean Grenier, ÎLES, COLLECTION L'IMAGINAIRE GALLIMARD
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