Emporté comme un trésor ou un talisman, le livre recelait entre autres beautés des dessins faits par Matisse, Picasso ou Juan Gris pour accompagner les poèmes de Pierre Reverdy. Jacques Brémond qui nous accompagnait a raconté sa visite au cimetière de Solesnes et aussi à la maison natale du poète dans l'Aude. Personne, semblait-il, ne savait quel poète avait été Reverdy. Sur l'exemplaire que je venais d'acheter, il y avait un portrait du poète dessiné par Picasso et surchargé d'annotations curieuses à l'encre verte.
Annotations dont je ne saurais sans doute jamais qui les a a faites et pour quelle obscure raison. Et l'écriture de Reverdy donnée à voir comme une preuve de l'existence du poète:
En ces temps, les années cinquante, on avait encore le temps de faire des livres pour initier les gens à la poésie et donner à lire de larges extraits des oeuvres des poètes. En voici un donné à lire dans ce petit livre brun trouvé à Bagnols sur Cèze.
Mémoire
Quand elle ne sera plus là
Quand je serai parti
Là-bas où il peut aussi faire jour
Un oiseau doit chanter la nuit
Comme ici
Et quand le vent passe
La montagne s'efface
les pointes blanches de la montagne
On se retrouvera sur le sable
Derrière les rochers
Puis plus rien
Un nuage marche
Par la fenêtre passe un cri
Les cyprès font une barrière
L'air est salé
Et tes cheveux sont encore mouillés
Quand nous serons partis là-bas derrière
Il y aura encore ici quelqu'un
Pour nous attendre
Et nous entendre
Un seul ami
L'ombre que nous avons laissée sous l'arbre
et qui s'ennuie
Pierre Reverdy, in Pierres Blanches, Jordy, Carcassonne, 1930
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