"On sait dans quel embarras la couleur a plongé les philosophes.Elle n’a pas d’existence séparée. Toujours elle est adhérente ou consubstantielle à un objet. Mais elle possède, malgré sa dépendance, un pouvoir suggestif propre qui peut contredire à celui de l’objet.
Aaron Clarke franchit le pas suivant. Il inverse le rapport et tire des objets de la couleur. Comment s’y prend-il ? C’est son affaire. Quelle intuition le meut, guide sa main, il se pourrait qu’il n’en sache rien et c’est sans importance. « L’art, écrivait le vieil Emile Durkheim, à un siècle d’ici, est une pratique pure, sans théorie. »
La concomitance de certains faits avec certaines couleurs a chargé celles-ci d’échos qui s’ajoutent à leur valeur constitutionnelle, intensité du rouge, ambiguïté du jaune... Aaron Clarke porte d’énergiques coups de pinceau sur la toile ou le papier. Le vert, lorsqu’il prédomine, marié au blanc, sans autre précision, convoque la fraîcheur du monde, avril avec ses feuilles neuves et ses fleurs, la mer émeraude, écumeuse, le paradis des amours enfantins... Le marron, c’est l’opposé, l’âge, la fatigue, le crépuscule, la mélancolie et le déclin, novembre...
Le monde a des couleurs mais les couleurs contiennent des mondes. Leur nombre est sans doute infini, la tâche aussi décourageante qu’exaltante. Aaron Clarke y travaille." (P.Bergounioux)
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